Le but de cet article est de faire taire, une fois encore, une certaine version de l’Histoire euro-centrée selon laquelle les peuples du monde n’auraient connus la civilisation qu’au contact des “hommes blancs”. Bien souvent, au contraire, la domination coloniale européenne les ont précipités, “grâce” à la destruction de leurs institutions politiques, économiques, juridiques …etc, dans la décadence morale et spirituelle ainsi que la barbarie. Nous vous invitons donc à nous suivre dans le sentier de l’étude historique des populations amérindiennes d’Amérique du Nord (qui, rappelons-le, sont ontologiquement très proches des populations africaines) et de leurs institutions millénaires.
Haudenosaunee ou la plus puissante entité politique d’Amérique du Nord d’avant Christophe Colomb et même jusqu’à deux siècles après
La confédération Iroquoise ou Haudenosaunee (qui signifie “peuple des longues maisons”) fut l’unité de cinq puis six nations amérindiennes d’Amérique du Nord. Le nom “iroquois” n’est pas celui qui est utilisé par ces nations concernées, c’est un terme qui viendrait de termes insultants utilisés par leurs ennemis pour les décrire.
Leur terre d’origine serait l’état de New-York aux Etats-Unis, puis ils se seraient dispersés dans le nord de l’état puis autour du lac Ontario et le long du fleuve Saint-Laurent. Ce n’est pas la seule organisation politique amérindienne de la région puisqu’il existe aussi la confédération wendat ou huronne ainsi que d’autre regroupements d’ethnie amérindiennes. Cependant, ce fut l’organisation politique la plus puissante du 12ème au 18ème siècle alors que le territoire est sous administration française de la Nouvelle-France. Ils ont résisté aux administrateurs français parfois en s’alliant aux Britanniques, puis lorsque leur territoire passa sous administration américaine ils se furent exterminés ou déportés dans des réserves. Seuls ceux qui ont réussi à fuir au Canada ont survécu et tenté de vivre “librement”.
A l’origine les six nations appelées “iroquoises” sont :
– les Goyogouins en français, Guyohkohnyo (peuple du grand marais) dans leur propre langue
– les Mohawks qui aujourd’hui se désignent eux-mêmes par ce nom anglo-français signifiant « mangeurs d’homme » dans la langue de leurs rivaux abenaquis, étaient appelés Agniers par les colons français, le terme autochtone étant Kanienkehaka signifiant peuple des étoiles
– les Oneida sont aussi appelés Onneiouts en français
– les Onondaga sont aussi appelés Onontagués en français
– les Senecas, jadis les Sénèques en français, sont aussi appelés Tsonnontouan d’après leur nom autochtone
– les Tuscarora (la sixième nation, 1722), n’ont pas d’autre nom usité
Les Onondaga, les Tsonnontouan et les Tuscarora vivent aujourd’hui dans les réserves américaines de l’état de New-York.
C’est cette confédération qui est à l’origine d’une des plus anciennes constitutions du monde, Gayanashagowa.
Gayanashagowa, la Constitution de la Confédération Iroquoise sur laquelle les colonies Britanniques calquèrent leur modèle
La Gayanashagowa qui signifie « grande loi qui lie » ou « grande loi de l’Unité » ou « grande loi de paix » est le code juridique qui organise et réunit les cinq puis six nations “iroquoises”. Elle est constituée d’une grande quantité de textes et articles. Elle fut transmise de manière orale depuis le 12ième siècle et la nation Onondaga était désignée comme conservateurs de la tradition. Originellement, le prophète Deganawida, appelé le Grand Pacificateur, et son disciple Hiawatha, qui prêchaient la Grande Paix, rassemblèrent les chefs à un Congrès chez les Onondaga durant lequel ces lois furent édictées.
La Gayanashagowa codifie les fonctions du Grand Conseil des Iroquois et indique comment les cinq, puis six nations iroquoises doivent s’y prendre pour résoudre leurs différends, équilibrer leurs échanges et coexister pacifiquement.
Son fonctionnement avait été décrit en détail dès 1702 par le Français Louis Arman Delom D’Arce.La première version écrite date de 1720 et fut rédigée en anglais sous forme de 117 paragraphes.
Les 34 premiers articles de la constitution de la nation iroquoise organisaient le pouvoir politique et le système de représentation en définissant les fonctions des cinquante porte-paroles, appelés royaneh, les Sachems, qui siègent au Conseil des nations. Cette constitution est confédérale: elle n’établit pas un régime unitaire et donne à chaque nation des fonctions différenciées.
- Droits, devoirs et titres des seigneurs (articles 17 à 34) :
- Élection des “chefs du Pin” (article 35) :
- Noms, devoirs et droits des chefs de guerre (articles 36 à 41) :
- Clans et consanguinité (articles 42 à 54) :
- Emblèmes officiels et sceaux (articles 55 à 66) :
- Lois d’adoption (articles 66 à 70) :
- Lois sur l’émigration (articles 71 à 72) :
- Droit des nations étrangères (articles 73 à 78) :
- Droits et pouvoirs de la guerre (articles 79 à 91) :
- Droit de sécession (article 92) :
- Cérémonies religieuses (articles 99 à 104) :
- Musiques d’installation (articles 105 à 107)
- … etc
Le système de prise de décision est fondé sur le principe de subsidiarité.
La Constitution garantit aussi le droit des peuples des nations, la protection des maisons et les cérémonies funéraires en terme de dispositions coutumières.
La Constitution de la confédération Iroquoise était tellement aboutie, à la fois complexe mais visant à simplifier les relations entre familles et nations qu’elle inspira grandement (pour pas dire qu’ils ont plagié) les colons européens qui fondèrent les 13 premières colonies d’Amériques qui deviendront plus tard les Etats-Unis d’Amériques.
Sources :
– L’Art d’enseignement des Indiens iroquois. Aux sources de la première Constitution, Alexandre Grauer
– Aurélien Boisvert, Nation iroquoise
– http://www.sixnations.org
Traduit par la Team OJAL