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Sarah Maldoror, une panafricaniste engagée devenue icône du Cinema Panafricain

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Un petit hommage à une très grande cinéaste Africaine.

Africaine des Antilles (Guadeloupe), la cinéaste et militante anticolonialiste Panafricaine Sarah « Maldoror » née Sarah Ducados le 19 juillet 1929 à Condom en France d’une mère Française et d’un père Guadeloupéen a rejoint les ancêtres le 13 avril 2020 à Saint-Denis en France des suites du covid 19. Elle a choisi son pseudonyme après avoir lu “Les Chants de Maldoror” de l’écrivain français Isidore Ducasse. Elle est venue au cinéma par le théâtre. Formée au cinéma à Moscou avec Sembène, elle a réalisé en 1976 le premier documentaire sur Aimé Césaire « Un homme, une terre, portrait du poète et homme politique Aimé Césaire » ainsi qu’un documentaire sur Léon-Gontran Damas. Elle a réalisé des films pour la télévision française dont « Un déssert pour Constance » en 1979-1980 avec l’immense acteur, réalisateur Ivoirien, légende vivante et icône du cinéma Africain Sidiki Bakaba ainsi que le très grand acteur et réalisateur Cheik Doukouré avec qui il avait déjà joué dans « Bako » en 1978.

Ce film comique dépeint le quotidien de balayeurs Africains de Paris avec leurs problèmes, leur mal du pays et met aussi le doigt sur le racisme « bon enfant » de cette époque. Sarah Maldoror était l’épouse du militant anticolonialiste, camarade et ami intime de Cabral, l’intellectuel révolutionnaire et un des leaders du MPLA Mario de Andrade. Elle était l’une des toutes premières femmes cinéastes du continent.

Je vais parler ici de « Sambizanga », son premier long-métrage co-écrit avec son mari Mario de Andrade qui est aussi son film le plus connu et qui est sorti en 1972. Il a été distingué du Tanit d’Or au Festival de Carthage de la même année. « Sambizanga » parle de la lutte quotidienne des Angolais pour libérer leur pays du joug du colonialisme Portugais. Sarah Maldoror disait elle même qu’elle avait voulu montrer l’Afrique en lutte dans ce film. Le titre du film est le nom d’un quartier populaire de l’agglomération de Luanda dans lequel est sensé se dérouler l’essentiel du film même si en réalité le film a été tourné au Congo Mfoa dit « Brazzaville ». Le MPLA, le gouvernement Congolais et l’Agence de coopération culturelle et technique (organisation française) ont produit le film. Sambizanga est un lieu hautement emblématique de la lutte de libération en Angola car des militants du MPLA sont partis de là pour prendre d’assaut les prisons de Luanda afin de libérer les détenus politiques le 4 février 1961 déclenchant ainsi le combat contre les colonialistes Portugais.

Ce film révolutionaire est adapté de la nouvelle « La vraie vie de Domingos Xavier » (inspirée d’une histoire réelle) écrite par le Portugais (dont la famille s’est installée en Angola lorsqu’il avait 1 an) et militant du MPLA, Luandino Vieira (né José Vieira Mateus da Graça) suite aux événements de février. Il terminera la rédaction de cette nouvelle en novembre 1961 quelques jours avant son arrestation (voir quatrième de couverture). Cette nouvelle a été traduite en français par Mario de Andrade (encore lui!) et Chantal Tiberghien et publiée avec une autre nouvelle de Luandino (« Le complet de Mateus ») aux éditions Présence Africaine en 1971 (voir photos).

« Le complet de Mateus », l’autre nouvelle de ce livre a été aussi adaptée par Sarah Maldoror dans sa première oeuvre cinématographique, le court – métrage « Monangambée » réalisé en 1969/1970 qui parle aussi de la lutte anticolonialiste en Angola. Ce livre publié pendant la guerre de libération avait pour but de mobiliser l’opinion publique sur la situation en Angola. L’exemplaire en ma possession est dédicacé par Mario de Andrade (himself!) à Roger Bastide, sociologue et anthropologue français ayant mené plusieurs recherches et études sur les peuples et cultures du Brésil.

Ce film qui reste assez fidèle à la nouvelle décrit la résistance anticolonialiste à Luanda, l’univers carcéral colonial et les débuts de la lutte de libération armée dans les 60s à travers l’histoire de Domingos Xavier, un conducteur de tracteur sur un chantier dans le village de Dondo et qui est aussi un militant de la lutte de libération de son pays. Domingos (de) Oliveira qui joue le rôle de Domingos Xavier est un exilé Angolais recruté comme tractoriste au Congo que Maldoror a rencontré presque par hasard et qu’elle a retenu pour son film.

Un matin, il est arrêté par des hommes du PIDE (police secrète politique portugaise) pour ses activités politiques qu’il menait clandestinement avec certains de ses collègues; arraché à sa femme qui ignorait les activités politiques de son époux et à son enfant. Il est brutalisé et emporté dans un 4×4 vers une destination inconnue.

Dès lors, sa femme Maria va partir à la recherche de son mari dont elle n’a plus de nouvelles, allant de prison en prison, d’un bureau administratif à l’autre d’abord à Dondo puis à Luanda après un long chemin en bus. Ni ses cris, ni ses larmes ainsi que celles de son enfant ne suffiront pour retrouver Domingos encore moins le libérer. Des camarades militants du MPLA mènent aussi leur enquête pour déterminer l’endroit où Domingos a été enfermé. Elle finit par apprendre la mort de son homme à la prison de Luanda sous la torture d’agents colonialistes portugais du PIDE qui voulaient qu’il trahisse ses camarades de lutte en donnant des noms ou en reconnaissant des noms à propos desquels ces agents l’interrogeaient.

 

Sarah Maldoror et Mario de Andrade forment un couple iconique de la résistance Africaine

À travers une longue marche et grâce à ses contacts avec les militants du MPLA qui recherchent aussi activement Domingos, Maria découvre un aspect nouveau de la vie qui lui redonne espoir : la lutte pour la liberté. Les camarades militants de Domingos lui rendent hommage à la fin du film après avoir appris sa mort. Pour eux, le combat continue et Domingos vivra éternellement dans la mémoire du peuple Angolais.

Un fait marquant et surprenant dans ce film est le mélange de plusieurs langues Africaines dans certains dialogues : le kikongo, le lingala et le kimbundu.
Un des aspects les plus intéressants de ce film et que Sarah Maldoror aimait souligner est la conscientisation politique progressive au cours du film de Maria, et sa participation active à la lutte de libération du pays à travers sa marche courageuse qu’elle effectue avec son enfant sur le dos depuis Dondo jusqu’à Luanda pour retrouver son mari sans jamais se décourager.

Une image qui rompt avec l’idée très en vogue à cette époque de la femme Africaine qui passe le temps à attendre son mari et à lui faire des enfants. Beaucoup de collectifs féministes se sont intéressés à ce film pour cela et ont même collé l’étiquette « féministe » à Sarah Maldoror. Le film par rapport à la nouvelle a donné une place beaucoup plus importante à Maria interprétée par l’économiste Cap Verdienne Elisa Andrade: économiste et militante du PAIGC (qui avait déjà joué dans « Monangambée “). Il ne s’agit plus de l’histoire de la résistance de Domingos tout seul comme dans le livre mais de celle du couple formé par Domingos et Maria.

Un autre aspect que j’ai trouvé époustouflant dans le film et le livre est la très bonne organisation des militants en des réseaux stratifiés qui communiquent très prudemment et intelligemment les uns avec les autres créant ainsi une véritable chaîne de solidarité et de générosité. C’est Zito un très jeune garçon a priori banal (mais à qui les militants du parti ont assigné le rôle de guetteur), qui tout en jouant avec les enfants de son âge, surveille l’entrée de la prison de Luanda va repérer Domingos.

Dès qu’il voit Domingos y arriver, il court informer son grand-père Petelo qui est en lien avec d’autres structures clandestines et ainsi de suite jusqu’à ce que Domingos soit identifié et que les militants mettent en place une stratégie pour le soutenir ainsi que ses proches.

Je ferai peut-être plus tard une analyse plus détaillée du film et du livre.
Les gens qui sont proches des gérants de Présence Africaine devraient leur demander de rééditer ce livre parce qu’il est ESSENTIEL…

Le film “Sambizanga” est sur youtube pour ceux que ça intéresse.”

Elimu

 
 
 
Kwabena Ndie

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