S’il y a bien un épisode de l’histoire des Afrodescendants qui suscite des émois, des débats mais aussi de l’incompréhension c’est bien la période de la “traite négrière transatlantique” donc, en gros, du 15ème siècle au 19ème siècle. Ne nous méprenons pas, nous avons une mauvaise idée de ce que furent les siècles de razzias négrières, de traite transatlantique et d’esclavage, car l’histoire officielle est faussée, et pour certains cela reste un moment de l’histoire à oublier …
Pourtant, il y a, dans cette période de notre histoire, d’énormes choses à retenir :
Ce fut les débuts de la domination occidentale sur le monde et l’essor du capitalisme et tout cela perdure jusqu’aujourd’hui. C’est pour cela que l’on retrouve les mêmes mécanismes (qui ont évolués certes) dans le système.
Contrairement à ce que beaucoup pensent ce fut très dur et long pour l’Europe de faire plier l’Afrique et les Africains, d’ailleurs certains ne se sont jamais pliés. Les résistances ne cessèrent de compromettre les ambitions esclavagistes partout et depuis le début, et ce sont ces mêmes résistances qui poussèrent les colons à arrêter la traite et l’esclavage et donc d’imaginer un autre moyen pour soumettre les populations afro. La résistance est quelque chose que l’on peut également observer aujourd’hui.
Les traitements subits par l’homme et la femme afrodescendants durant cette période ont créés des traumatismes et ont détruit l’image que l’on avait de soi et de l’autre. Ce sont encore des séquelles qui vivent en nous aujourd’hui.
…etc
Nous venons ici, vous parler d’une histoire qui se déroula durant cette période sombre : la piraterie.
En effet, peu le savent mais les Afrodescendants jouèrent un rôle très important dans l’essor de la piraterie et ce n’est pas pour rien que ce que l’on appelle “l’Âge d’Or de la piraterie” se situe environ des année 1650 aux années 1730 donc en pleine traite. Pour beaucoup d’ Afrodescendants de cette époque-là, il valait mieux être en mer que sur terre et les postes que l’on proposait sur les bâtiments (bateaux) pirates ressemblaient plus à ce que l’on pourrait appeler un emploi plutôt que de la servitude.
Certains pirates avaient des esclaves, mais la plupart d’entre eux ayant fui des sociétés européennes pour des raisons politiques et/ou idéologiques refusent le système esclavagiste européen. Sur les bateaux pirates, c’est l’égalitarisme qui règne de manière générale, c’est d’ailleurs les pirates qui ont influencé la devise de la France “liberté, égalité, fraternité“. Ainsi, la piraterie était un bon moyen de survivre en dehors des plantations des Amériques. Dans Do or Die, une histoire libertaire de la piraterie, on peut y lire :
” En 1715, le Conseil de la colonie de Virginie s’inquiète des relations entre le «ravage des pirates» et « une insurrection de nègres». Il a bien raison de s’inquiéter. En 1716, les esclaves d’Antigua se montrent «très impudents et insultants» et on signale que bon nombre «rejoignent ces pirates qui ne semblent pas faire grand cas des différences raciales». Ces relations sont transatlantiques : elles s’étendent depuis le cœur de l’Empire, à Londres, jusqu’aux colonies d’esclaves des Amériques ou à la «Côte des Esclaves» en Afrique. Vers 1720, un groupe de pirates s’établit en Afrique Occidentale, rejoignant et se mélangeant aux Kru, un peuple d’Afrique Occidentale vivant dans ce qui est actuellement la Sierra Leone et le Liberia, renommé pour sa technique de pêche dans de longues pirogues et pour avoir mené les révoltes d’esclaves. “
Non seulement les Afrodescendants bénéficiaient d’un système égalitaire au sein de la piraterie, mais ils étaient souvent très nombreux sur les bateaux pirates. En fait, un grand nombre de pirates sont d’anciens esclaves: il y a bien plus de Noirs sur les bateaux pirates que sur les navires de guerre ou de commerce et, selon les témoins, il est rare qu’ils soient utilisés comme «esclaves». La plupart de ces pirates Afrodescendants sont des esclaves en fuite: soit ils ont fui pendant leur voyage depuis l’Afrique, soit ils ont déserté les plantations ou les navires à bord desquels ils travaillaient. Certains peuvent être des hommes libres, comme ces «Nègres libres», des marins de Deptford qui, en 1721, ont engagé «une mutinerie parce que nous avions trop d’officiers, et que le travail était trop dur, et ainsi de suite».
Des histoires incroyables nous sont parvenus de pirates afrodescendants ayant perturbé l’Atlantique ou l’océan Indien, (qui à cette époque-là étaient les chasses gardées des Occidentaux) ayant connu la gloire mais aussi des fins tragiques, de quoi remplir des livres d’histoires et des livres d’aventures pour les plus jeunes :
Diego le flibustier, dit Diego le « mulâtre » ou le « métis » ou Diego Lucifer ou encore Diègue est un Afrodescendant né à La Havane. Son père est probablement un capitaine hollandais.
Il commence à naviguer avec les Hollandais et apparaît en 1635 lorsqu’il participe à la prise de Campêche (Mexique). En 1636, il s’empare de Curaçao.
En 1638, associé au capitaine hollandais Cornelis Jol, dit « jambe de bois », il attaque la flotte espagnole.
Marin intrépide, connu pour ses innombrables exploits, vivant en grand seigneur, jouant de la guitare pour distraire ses hommes, narguant les Espagnols qui ont mis sa tête à prix, Diego, basé à l’île de Guanaja (golfe du Honduras) devient un personnage légendaire dans la mer des Caraïbes.
Après le traité de Westphalie qui mit fin à la guerre de course au service des Hollandais, le flibustier passa au service de la France, prenant ses ordres à l’île de la Tortue (Haïti), tout en continuant de travailler à son compte.
Diego, à la tête d’une flottille, écuma les mers pendant près de 40 ans.
Capturé en juin 1673, au cours d’une opération, par les Espagnols, il aurait été exécuté.
Abraham Samuel, également connu sous le nom “Tolinar Rex“, né en Martinique (ou éventuellement à Anosy, Madagascar), était un pirate dit mulâtre de l’océan Indien dans la fin des années 1690-. Il a dirigé brièvement un royaume pirate à Antanosy, Madagascar, de 1697 jusqu’à ce qu’il y mourut en 1705.
Samuel est un esclave en fuite lorsqu’il rejoint l’équipage du navire pirate John & Rebecca. Il en devient le second. En 1696, les pirates s’emparent d’un important butin et décident de se retirer en s’établissant à Madagascar. Samuel se retrouve alors à Fort Dauphin, une colonie française abandonnée. Là, la princesse locale l’identifie comme étant l’enfant qu’elle a eu d’un Français durant l’occupation de la colonie. Samuel se retrouve soudainement l’héritier du trône vacant de ce royaume. Même lorsque les négriers et les marchands viendront en masse pour commercer avec le «Roi Samuel», celui-ci gardera de la sympathie pour ses camarades pirates, les autorisant, en les assistant même si nécessaire, à piller des navires marchands venus pour commercer avec lui. Un certain nombre de personnages semblables, peut-être moins flamboyants, ont existé dans les ports et les rades de Madagascar –des pirates ou des négriers, devenus des chefs locaux à la tête d’armées privées d’au moins cinq cents hommes.
Bartholomew Roberts (17 mai 1682 – 10 février 1722), pirate britannique de son vrai nom John Roberts, dit Le Baronnet Noir, est un des pirates les plus célèbres de son époque.
En 1719, à l’âge de 37 ans, il embarque en tant que second à bord du navire Princess, destiné au transport d’esclaves, qui sera capturé en juin 1719 par le pirate Howell Davis à Anomabu près de la Côte-d’Or (devenue le Ghana aujourd’hui). Six semaines après sa capture (certains parlent plutôt de quatre semaines), la flottille de Howell Davis est prise en embuscade par le gouverneur de l’île de Príncipe (Île du Prince). Au cours de la bataille, Howell Davis est lui-même tué. Bartholomew Roberts, décrit comme un homme grand et noir, a eu le temps, en quelques semaines, de montrer son talent et sa supériorité au combat ; il est alors élu capitaine du bateau pirate Royal Rover par son équipage. On raconte qu’il a mené la carrière de pirate la plus réussie de toute l’histoire, en capturant plusieurs centaines de navires (jusqu’à 22 navires en une seule prise) en seulement deux ans. Le prénom qu’il a choisi pourrait être un hommage au pirate Bartholomew Sharp.
Portrait de Bartholomew Roberts
La piraterie est une illustration, encore une, des alternatives que nos Ancêtres ont trouvés pour fuir et résister au système coloniale et esclavagiste des Européens. Certains peuvent les voir comme des opportunistes, ivrognes et intéressés mais pour d’autres ils sont des héros, des grandes figures d’une histoire de la résistance que nous ne connaissons pas assez.
Source :
– Bastions pirates, une histoire libertaire de la piraterie, traduit de l’anglais par le collectif FTP, Do or Die
– Robert C.Richie, Captain Kidd and the War against the Pirates (Cambridge, Massachusetts and London, Harvard University Press, 1986).
– Peter Lamborn Wilson, Utopies Pirates : Corsaires Maures et Renegados (Paris, Dagorno, 1998).
2 réflexions au sujet de “La piraterie pendant la période de l’esclavage et l’importance des Afrodescendants dans l’essor de la piraterie”
bonjour avez vous d’autres noms de pirates noirs ou listes pourriez vous m’ aider dans ma démarches d’écriture afin de leurs rendre un hommage en leurs noms
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bonjour avez vous d’autres noms de pirates noirs ou listes pourriez vous m’ aider dans ma démarches d’écriture afin de leurs rendre un hommage en leurs noms
Bonjour, il y a des références en fin d’articles, vous y trouverez sûrement votre bonheur 😉